La Voix des sans-papiers N° 12

Bulletin du mouvement et des collectifs de lutte autonomes

SOMMAIRE N° 12. 12 novembre 2014.

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Migrants sans-papiers, persécutés, noyadés, massacrés : Martyrs de la liberté et de l’humanité sans frontières

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Combien de morts ? Personne ne sait, personne ne saura jamais.

Pour qu’enfin apparaisse publiquement la véracité du cri d’alarme lancé depuis bien des années par les migrants subsahariens : la traversée de la Méditerranée se fait au prix d’énormément de noyades, il aura fallu qu’un pays, l’Italie, y déploie pendant un an les moyens de sa marine militaire (coût affiché entre 9 et 10 millions d’euros par mois) : officiellement, pour sauver les migrants, en fait pour mettre la pression médiatique sur l’Europe et la faire participer aux frais des contrôles de ses frontières sud. Dès lors, le nombre de morts est apparu impressionnant : depuis janvier « au moins 3300 », écrit Le Monde.fr du 31 octobre, et l’Organisation internationale pour les migrations en comptait 3072 le 29 septembre. Continuer la lecture de Migrants sans-papiers, persécutés, noyadés, massacrés : Martyrs de la liberté et de l’humanité sans frontières

Nous comptons nos morts : assez, le trafic d’êtres humains !

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Familles de Bafoulabé, Mali

Le 14 juillet dernier une embarcation de fortune, parmi tant d’autres, a naufragé au large des côtes de la Libye, emportant sa cargaison de vies humaines. À son bord, 110 jeunes Maliens venant la plupart du cercle de Bafoulabé, au sud-est de Kayes, à l’ouest du Mali. Un seul rescapé.

« Les médias nationaux français excepté RFI n’ont même pas donné la nouvelle », dit Diaby. C’est un constat amer, dans la bouche de ce travailleur malien immigré en France en 1979. Amer et édifiant sur la qualité et la déontologie de l’information faite en France sur les noyés de l’autre rive, ces milliers de « morts de la mer » que l’impudence légale d’État continue d’appeler des immigrants « clandestins ». Continuer la lecture de Nous comptons nos morts : assez, le trafic d’êtres humains !

Anzoumane Sissoko, CSP75 : Majorité et minorite : les minorités y passent

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Nous avons mené notre enquête auprès des familles à Paris, à Bamako, aux villages. Il apparaît que si ce naufrage a eu lieu [voir article p. 2], c’est à cause des méthodes de la filière des passeurs. Un des responsables est originaire de Sélinkégny, cercle de Bafoulabé. Il avait un correspondant passeur malien en Libye, chargé de prendre les « clients » à Bamako, à Gao. Après le désert (soit par le Niger soit par l’Algérie), ils travaillent avec les passeurs libyens qui font construire à peu de frais des barques destinées à disparaître en mer. Tout ce qu’ils perdent, eux, c’est les moteurs. Comment s’y prennent-ils ? Ce qui suit pourra sembler une histoire à dormir debout, mais c’est ce qu’ils font. De vrais criminels assassins.

Quand ils embarquent des gens, il y a une majorité, par exemple malienne, et des minorités, par exemple sénégalaise ou mauritanienne, etc. Continuer la lecture de Anzoumane Sissoko, CSP75 : Majorité et minorite : les minorités y passent

L’État et les familles

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Le 14 septembre, pour commémorer les 109 morts par noyade du 14 juillet, et pour débattre des moyens de prévenir de tels drames, se sont réunies à Bagnolet avec les sages les familles maliennes de la région parisienne. Était présent, comme représentant du gouvernement malien, le vice-consul, et il est intervenu deux fois : d’abord pour affirmer, ensuite pour nier, que le gouvernement vise à « lutter contre ce phénomène » (de « l’émigration clandestine ») en faveur de la seule « émigration légale ». Une fois les débats clos, et l’assistance déjà en train de partir, voilà que s’amène d’un pas ferme un homme bien bâti, bien portant, bien mis, la quarantaine à peu près, entouré de deux autres plus jeunes mais tout aussi en costard et costauds. C’était le représentant du ministre des Maliens de l’extérieur venu pour dire : que « le gouvernement a mis en place un système pour rapatrier ceux qui prennent la route du désert », mais que, vu l’insuffisance des « moyens », « il est difficile de récupérer » tous ces gens, Continuer la lecture de L’État et les familles

Migrants sans-papiers maliens : Une guerre qui ne dit pas son nom

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Djibril et Lamine, jeunes frères sans-papiers, natifs de Bamako, ex-étudiants en droit, sont arrivés en France depuis peu. Partis respectivement en février et en mars derniers, ils ont pris, parcours obligé pour tant de migrants subsahariens plus ou moins désargentés, la route du désert en passant par la Libye, puis la Méditerranée et l’Italie.

« D’abord, au Mali, depuis le début de la guerre dans le nord, l’université est en crise permanente : grèves illimitées des professeurs sans paye, grèves illimitées des étudiants pour leurs droits. Aux revendications traditionnelles (avant tout les bourses, sans bourses les étudiants des familles modestes ne peuvent pas poursuivre leurs études) s’ajoute aujourd’hui celle du droit à des cours réguliers, sans années blanches : ça a été le cas en 2012, et ça a risqué de l’être aussi en 2013. Continuer la lecture de Migrants sans-papiers maliens : Une guerre qui ne dit pas son nom

Jeunes Maliens : L’or ou l’émigration : ont-ils le choix ?

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Le Mali est riche de son or – mais sa population ? Nous en avions fait le sujet d’un numéro de la Voix des sans-papiers il y a trois ans (n° 6, 26 octobre 2011, L’or de Kéniéba), le lecteur pourra y trouver peut-être encore matière à se questionner et à chercher un bout de réponse. Mais qu’en est-il au juste trois ans après ? Pourquoi un pays d’Afrique au sous-sol si riche, et non seulement en or, continue d’exporter surtout (comme d’autres pays africains au sol non moins riche) ses jeunes travailleurs poussés au désespoir et à l’émigration par le sous-emploi et la pauvreté des familles, et cela indépendamment de la guerre dans les régions du nord ? Pour faire bref : pourquoi ces jeunes Noirs vaillants et volontaires ne choisissent-ils pas plutôt « l’or » ? Continuer la lecture de Jeunes Maliens : L’or ou l’émigration : ont-ils le choix ?

Yene Fabien, Afrique Survie Migration : Extrait d’émission radio

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

(Source : FPP, 4 septembre 2014, adaptation)

Je viens pour la troisième fois à l’antenne vous parler des Subsahariens au Maroc. L’heure est très grave. Ils subissent une répression féroce. Je vous avais parlé de ceux qui ont été précipités d’une terrasse du quatrième étage. Sur cet assassinat la police n’a pas encore ouvert une enquête. À l’heure où je vous parle, il y a des manifestations devant le bâtiment des Nations Unies à Rabat, les Subsahariens se sont mobilisés devant leurs ambassades pour dénoncer ce qui s’est passé dans la nuit du 29 au 30 août. Un Sénégalais du nom de Charles Ndour a été égorgé. Les fois précédentes, comme pour les deux Camerounais d’il y a quelques jours, c’était des « accidents », ainsi qu’ils ont l’habitude de le dire. Continuer la lecture de Yene Fabien, Afrique Survie Migration : Extrait d’émission radio

Migrants sans-papiers camerounais : C’est la guerre aux droits de l’homme et des gens

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Landry, Loïc, Thierry, trois jeunes migrants camerounais : les deux premiers venant de Douala, le grand port sur le golfe de Guinée, le troisième de l’ouest du Cameroun. Frais arrivés en Europe, ils sont actuellement en Allemagne, à Berlin, où « on lutte vraiment pour les immigrés » (Landry). Ils ont été interviewés à Paris à l’occasion d’une rencontre de la Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM), où ils étaient présents pour « qu’on se mobilise beaucoup cette année pour la lutte des sans-papiers » (Thierry), et puisque « c’est l’heure de se lever et lutter pour les immigrants » (Landry).

Tous les trois sont arrivés en Europe par Tanger et le détroit de Gibraltar après avoir traversé le Sahara, l’Algérie et le Maroc. Continuer la lecture de Migrants sans-papiers camerounais : C’est la guerre aux droits de l’homme et des gens

Patrice Lumumba : « Nous avons connu… »

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

« Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres… Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort. Nous avons connu que la loi n’était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres… Continuer la lecture de Patrice Lumumba : « Nous avons connu… »

Sans-papiers maliens : les « Baras » : Le droit des papiers n’est pas les droits de l’homme

La voix des sans-papiers N°12. 12 novembre 2014

Ce numéro consacré aux noyades en masse de migrants africains en mer, est une fois de plus occupé en grande partie par des témoignages de Maliens. Ce n’est pas un hasard. Notre aire d’enquête et de diffusion directe (sur papier) reste Paris, et en moindre mesure sa région, où la présence de Maliens à la tête des luttes et de la parole publique des sans-papiers est prépondérante depuis que, avec l’occupation de Saint-Bernard en 1996, le mouvement existe au grand jour. Le territoire du Mali actuel est souvent peuplé de populations à forte « tradition d’émigration » : mouvements plus ou moins temporaires, voire saisonniers, et presque exclusivement composés d’hommes en quête d’ouvrage. Continuer la lecture de Sans-papiers maliens : les « Baras » : Le droit des papiers n’est pas les droits de l’homme